Assouplissement des règles financières : catalyseur de la faillite de SVB ?

Expertise

À la suite de la crise financière de 2008, des réformes ont été adoptées pour renforcer la stabilité financière, notamment la loi Dodd-Frank aux États-Unis. Jugée trop complexe, cette loi a été partiellement assouplie en 2018. Cela a réduit les coûts de conformité pour les petites banques et facilité l'essor des néo-banques comme SVB.

Assouplissement des règles financières : un peu d’histoire

Depuis la crise financière de 2008, les régulateurs financiers ont pris des mesures pour renforcer la stabilité du système financier et protéger les consommateurs. Ce fut le cas en Europe avec le “paquet de réformes financières de l’Union Européenne”, mais aussi, à partir de 2010, aux États-Unis avec l’adoption de la loi Dodd-Frank, qui a imposé des règles strictes aux banques pour limiter les risques de faillite et améliorer la transparence.

Cependant, pour de nombreux observateurs, la loi Dodd-Frank, avec ses milliers de pages de réglementation se serait avérée trop complexe à mettre en œuvre, aurait provoqué certains effets indésirables tels que le ralentissement de la croissance économique par les restrictions qu’elle génère sur l’accès aux crédits, et, au final, n’aurait répondu que très partiellement à ses objectifs initiaux, à savoir, la réforme de la réglementation financière et la prévention des défaillances d’établissements financiers.

De ce fait, le Congrès américain a adopté une loi en 2018 qui a assoupli certaines des règles les plus strictes de la loi Dodd-Frank. A cet égard, la réduction des coûts de conformité réglementaires pour les banques de petites et moyennes tailles, l’assouplissement des règles relatives aux activités transfrontalières ou encore la possibilité pour les néo-banques d’obtenir des chartes bancaires fédérales jusque-là, ouvertes uniquement aux banques traditionnelles, ont agi comme catalyseur dans l’essor de néo-banques, telles que SVB (Silicon Valley Bank).

La chute de SVB

A la suite de la faillite de la SVB, certains analystes estiment que cet assouplissement des règles financières serait la principale cause de cette faillite. La SVB était une banque américaine, fondée en 1983, pour répondre aux besoins financiers des entreprises de la Silicon Valley et jouissait jusqu’à présent, d’une excellente réputation sur les marchés. De nombreuses entreprises de la tech étaient florissantes et disposaient d’importants flux de trésorerie qu’elles déposaient auprès de SVB. Cependant, suite à la remontée des taux d’intérêts, celle-ci a subi une sorte d’effet “ciseaux” en deux temps :

Les fonds détenus pour les clients étaient placés en bons du Trésor américain, un actif proche des obligations et donc, de ce fait, relativement sécurisé ; mais du fait de la remontée récente des taux d’intérêts, ces actifs ont perdu une part substantielle de leur valeur – les taux d’intérêts affichés étant devenus inférieurs à ceux du marché ;

Parallèlement, le secteur de la technologie a commencé à rencontrer des difficultés pour se financer auprès des fonds capital-risque habituels, et ont retiré une partie importante de leurs dépôts, conduisant SVB à devoir vendre à perte ses propres actifs pour honorer les provisions.

S’en est suivi une crise de confiance des déposants qui ont voulu retirer massivement leurs avoirs, jusqu’à la banqueroute de SVB et la saisie par les autorités fédérales de ses actifs subsistants.

En quoi l’assouplissement de la règlementation financière était bénéfique ?

Les avantages de l’assouplissement de la réglementation pour les néo-banques sont nombreux tant pour le système en lui-même que pour les clients, qu’il s’agisse de la disruption du modèle bancaire traditionnel, de la démocratisation de l’accès aux services financiers ou encore de l’offre de produits innovants : l’essor des néo-banques permet en effet de faire bénéficier à un plus large public, des produits financiers moins chers avec une expérience client améliorée (applications mobiles, disponibilité et assistance 24h/24, 7j/7, par exemple).

Mais cet assouplissement, s’il n’est pas équilibré – on le voit bien – embarque également des défis comme le démontre le cas de la faillite de SVB. Tout d’abord, les néo-banques ont encore des difficultés à obtenir une licence bancaire. Bien que les règles aient été simplifiées pour les nouveaux acteurs, il reste difficile pour eux de répondre aux exigences réglementaires et d’obtenir une licence bancaire. En conséquence, certaines néo-banques ont opté pour des partenariats avec des banques établies plutôt que d’obtenir leur propre licence bancaire. De plus, les néo-banques peuvent encore être confrontées à des défis pour lever des fonds. Bien que les exigences en matière de capital aient été assouplies, les investisseurs peuvent être plus réticents à investir dans des entreprises non établies et à risque élevé. Enfin, les néo-banques doivent faire face à la concurrence de plus en plus féroce des grandes banques, qui cherchent également à innover et à s’adapter aux changements dans l’industrie des services financiers.

Cela étant dit, les néo-banques ont bénéficié d’une réglementation moins sévère en ce qui concerne les exigences en matière de capital et de liquidité, leur permettant d’innover plus rapidement et de développer des produits et des services qui répondent aux besoins des consommateurs. Les néo-banques ont des avantages uniques en termes d’agilité et de capacité à se concentrer sur des niches de marché spécifiques. Comme les petites entreprises ou les millennials, et développer des produits et des services qui répondent spécifiquement à leurs besoins.

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Apporter un point de vue d’expert sur la situation de la SVB

La Silicon Valley Bank cherchait à lever rapidement du capital pour faire face aux retraits massifs de ses clients. Sans y parvenir ces derniers ont déclenché un mouvement de panique sur les marchés. L’annonce a pris les investisseurs au dépourvu et a ravivé les craintes sur la solidité de l’ensemble du secteur bancaire, notamment avec la rapide montée des taux d’intérêt qui a fait grimper le coût du crédit. Les banques américaines ont enregistré une perte de 52 milliards de dollars en Bourse, et cette tendance s’est ensuite propagée aux banques asiatiques puis européennes, dont la Société Générale qui a perdu 4,49%, la BNP Paribas 3,82% et le Crédit Agricole 2,48%.

En Europe également, la Deutsche Bank a perdu 7,35%, Barclays 4,09% et UBS 4,53%. Heureusement, les grandes banques de Wall Street se sont remises de la déroute de la veille et ont enregistré des gains vendredi, avec une hausse de 2,54% pour JPMorgan Chase, tandis que Bank of America et Citigroup ont perdu moins de 1%. Les banques de taille moyenne, en revanche, ont connu plus de difficultés, avec First Republic qui a perdu près de 15% et Signature Bank, proche du milieu des cryptomonnaies, qui a chuté de 23%.

La conséquence est simple : une crise de confiance en le système a de nouveau touché le secteur financier, incitant les déposants de SVB à retirer massivement leurs fonds. Dans la plupart des situations, cette crise de confiance typique entraîne souvent la chute de l’établissement financier visé, qu’il s’agisse d’une grande institution ou d’une entité plus petite, comme les néo-banques.

L’assouplissement des règles financières peut avoir des avantages et des inconvénients selon les circonstances. D’un côté, l’assouplissement des règles financières peut stimuler la croissance économique en facilitant l’accès au crédit pour les entreprises et les particuliers, ce qui peut encourager les investissements et la consommation. Cela peut également aider les institutions financières à surmonter des périodes difficiles, telles que les récessions économiques.

D’un autre côté, l’assouplissement des règles financières peut également entraîner des risques. Par exemple, il peut conduire à une augmentation de l’endettement des ménages et des entreprises, ce qui peut accroître le risque de défauts de paiement. Il peut également encourager des pratiques financières risquées, telles que la spéculation ou le recours excessif à l’effet de levier.

Comme dans beaucoup de domaines, c’est “la dose qui fait le poison” et tout est une question d’équilibre à trouver entre régulation et assouplissement, l’excès de l’un ou de l’autre embarquant chacun leur lot de risques. Il n’y a toujours pas d’équilibre parfait entre les deux plateaux de la balance, c’est sans doute la leçon à tirer de la faillite de SVB qui nous rappelle que l’histoire du système financier s’est construite sur ses crises et sur ses tentatives de réajustements.