Naturellement experts

Le sinistre d’ampleur d’ordre climatique ou environnemental implique une pleine mobilisation de l’expert et de sa plus-value technique.

Après des siècles d’exploitation de la main de l’Homme, la nature est aujourd’hui au centre de nos préoccupations. Nous lui devons tout. Elle donne mais est capable de reprendre. Elle se déchaîne et laisse bien souvent destruction et désarroi dans son sillage. 

C’est dans ce contexte que l’expertise intervient à la demande de l’assureur, au service de l’assuré. Aujourd’hui, lumière sur ces sinistres d’ordre climatique ou environnemental. Deux notions distinctes à définir pour comprendre le périmètre d’actions de l’expert, qu’il soit sur site ou à distance.

De la nuance …

Clarifions deux termes : sinistre climatique et sinistre environnemental.  Qu’est-ce qu’un sinistre climatique ? Quelle différence avec celui de nature environnementale ? Explications.  

Les événements climatiques sont les résultats de fluctuations du climat. Cela comprend les catastrophes naturelles (CAT-NAT). Définies par la loi comme “des phénomènes naturels dommageables d’intensité anormale”, les catastrophes naturelles peuvent avoir plusieurs origines. Le climat logiquement, avec des inondations, des coulées de boue, des avalanches, des sécheresses et des tempêtes qui, selon l’intensité, s’apparentent à des ouragans ou des cyclones. Seconde raison et non des moindres, l’environnement géophysique qui se réfère à l’étude des caractéristiques physiques de notre planète à l’aide de techniques de mesures indirectes. Du point de vue de la sinistralité, ce facteur géophysique se caractérise par des affaissements, des glissements de terrain, des tremblements de terre, des éruptions volcaniques ou encore des raz-de-marée. Des sinistres d’ampleur donc, bien qu’en pratique, la plupart des événements climatiques constatées sont des inondations ou des épisodes de sécheresse.  

Second volet, le sinistre environnemental se rattache à l’écologie et à la pollution. On parle de pollution lorsque des irritants et des contaminants solides, liquides, gazeux ou thermiques sont rejetés dans l’environnement. On parle de sinistres quand des dommages sont causés aux sols, à l’air ou aux eaux qu’elles soient souterraines ou en surface. Dans un rapport émis par un assureur américain en 2017, 31% de incidents liés à la pollution sont dus aux hydrocarbures, 24% aux polluants hérités comme les substances acides, les cendres, les engrais et toutes autres matières en suspension. Le reste se divise entre eaux usées (20%), composées métalliques (7%), déchets industriels (7%) et nouveaux polluants comme l’amiante et les gaz du sol en vrac (10%). Une chose est certaine : aucun secteur n’est à l’abri d’un incident environnemental. Avec le réchauffement climatique, les sinistres liés à des incendies ont drastiquement augmenté, devenant l’une des premières causes de pertes matérielles en 2017 selon ce même rapport. L’augmentation des températures favorise la propagation de feux, notamment dans les régions sèches. Un ensemble d’éléments que l’expert doit prendre en compte au quotidien, à chacune de ses interventions sur site.

L’expertise sur site : la technicité

L’événement climatique ne respecte aucune règle. Il est impossible de l’anticiper à la minute près. Néanmoins, les saisonnalités sont d’une aide précieuse pour comprendre quelle typologie de sinistres est susceptible de survenir. A leur échelle, les collectivités territoriales élaborent des Plans de Prévention des Risques (PPR) suivant la topographie de leur territoire, leur exposition aux risques… Validés par les préfets, ces PPR recensent un ensemble de recommandations à destination des habitants de la zone concernée. Par exemple, il est normalement impossible de construire son habitation sur un terrain en zone rouge inondable. En effet, la structure pourrait se retrouver submergée en cas de forte pluie ou de crue excessive. Quand une inondation survient dans des zones aujourd’hui devenues non constructibles, la maison est rasée avant d’être reconstruite ailleurs uniquement. L’existence des PPR et leurs préconisations permettent d’éviter ce genres d’écueils. A son arrivée sur les lieux du sinistre, l’expert se réfère donc à ces préconisations et à l’histoire du terrain avant d’apporter sa plus-value technique à des assurés psychologiquement affectés. Restons sur le registre des inondations pour illustrer le propos.

Les inondations sont des dossiers à fort enjeu pouvant frapper des communes toutes entières. Elles impliquent de lourds dommages matériels et parfois, malheureusement, des pertes humaines. Dans ces situations, l’empathie est obligatoire. Il est nécessaire d’arriver avec une certaine humilité face à des interlocuteurs qui ont tout perdu. D’autant plus que l’inondation laisse des traces. A l’échelle d’une commune, l’expert doit relever les dommages, juger de ce qui est urgent, ce qui doit être consolidé, ce qui peut être séché de ce qui doit être jeté. L’expert, par sa technicité, adapte les mesures conservatoires au sinistre afin de sauver ce qui peut l’être. Tout un travail où se mélange malheur des uns et objectivité face aux pertes. Il en est de même pour les entreprises sinistrées. De l’usine inondée aux bureaux incendiés, l’expert fait face au chef d’entreprise, au directeur financier et aux représentants des salariés. Tous attendent des réponses. Dès lors, son rôle est d’apporter des solutions telles que le nettoyage, la délocalisation ou encore l’émission d’un acompte. Quoiqu’il en soit, une venue sur site est indispensable. Preuve en est avec notre second exemple, la sécheresse.

Considérée comme une catastrophe naturelle, la sécheresse est une typologie de dossier unique. D’une part car elle prête les assurés à confusion. De l’autre car elle implique de ne pouvoir se prononcer qu’en possession d’une multitude de pièces. Lesquelles ? La structure, les plans, les matériaux utilisés, l’étude de sol et le canevas du rapport de sécheresse prodigué par la Fédération Française des Sociétés d’Assurances (FFSA). Une fois ces éléments assimilés, l’expert fait part de toute sa technicité pour persuader des assurés convaincus du bien-fondé de leur réclamation. Or, dans 50 à 70% des missions, la sécheresse n’est pas l’élément déterminant dans l’apparition des dommages. D’autres facteurs comme la dilatation naturelle des matériaux sont à l’origine des fissurations. Un assèchement, quant à lui, se reconnait avant tout par des mouvements de terrains comme le tassement ou le craquellement d’un sol. Là uniquement peuvent apparaitre des fissures liées à la sécheresse.

L’expert recommande alors quelques mesures pour rétablir l’équilibre hydrique du sol. Cela passe, par exemple, par la suppression des voies d’eau parasitaires et l’abattage des arbres à proximité de la construction. Il peut ensuite orienter l’assuré et son assureur sur une solution de stabilisation du bâti. L’expert a un rôle pédagogique mais également de conseil auprès de l’assuré. Il le sensibilise à la mise en conformité de son bien avec l’application des préconisations du PPR afin de prévenir toute survenance future. Une démarche rendue bien plus difficile à distance.

Et la visio-expertise ?

Difficile voire même impossible pour certaines typologies de dossiers comme les catastrophes naturelles à très fort enjeu. Prenons l’exemple d’Irma, un ouragan majeur de catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson. Dans des paysages complètement dévastés par des vents allant jusqu’à 287km/h, les infrastructures afférentes aux réseaux ou à la téléphonie sont arrachées. Les routes sont barrées par les débris, les maisons envolées. La visio-expertise se heurte à l’étendue des dégâts, littéralement inestimable à distance. Il en est de même pour certains sinistres d’échelle inférieure. Par exemple, pour comprendre un glissement de terrain, une venue sur site est nécessaire pour analyser la typologie du sol ou la stabilité des couches. 

Mais, quand la cause est déjà connue comme c’est le cas d’un événement climatique, la visio-expertise est précieuse pour constater les dommages et mettre en place certaines mesures d’urgence. Elle permet d’avoir une vision d’ensemble du lieu sinistré, à condition que l’assuré suive les indications de l’expert. Après un tour de la zone impactée, la visio permet de rapidement définir l’enjeu du sinistre. Elle fournit un cadre en amont de l’intervention sur site. Outre l’efficacité croissante de ces logiciels, la crise du coronavirus aura accéléré le déploiement et le recours à la visio. Par l’intermédiaire de l’expertise de force majeure (EFM), l’expert peut répondre à la volumétrie tout en apportant sa technicité. En moyenne, avec l’EFM, il est possible de traiter 5 à 6 dossiers par jour.   

Dernier exemple avec les sinistres environnementaux où la pollution par des éléments extérieurs ne peut se résoudre à distance. Il est primordial d’intervenir rapidement pour éviter de polluer davantage la nature. Illustrons le propos avec un coulage d’hydrocarbures sur un site industriel, le risque de pollution des sols et du voisinage est indéniable. De fait, la mise en place de « barrière » anti-pollution nécessite l’intervention rapide de l’expert. Ce dernier met en œuvre des procédures adaptées afin de limiter la migration dans les sols et les bassins versants pluviaux. Malgré certaines protections, comme les séparateurs hydrocarbures et autres bassins de rétention, il convient d’agir au plus vite pour amenuir ce genre de pollution.

En définitive, le sinistre d’ampleur d’ordre climatique ou environnemental implique une pleine mobilisation de l’expert et de sa plus-value technique. Face à des personnes démunies, en proie à la perte, une présence sur place permet d’apporter davantage de réponses aux questions. Dans nombre de situations, la visio-expertise est un allié précieux pour déterminer l’étendue des dommages. Dans tous les dossiers de cette nature, la psychologie est un facteur à prendre en compte lors d’une intervention sur site ou à distance. L’empathie, l’écoute, la pondération, des qualités que l’expert allie pour le bien du tiers sinistré et pour la préservation de l’environnement.

Gaëlle POLLONI – Expert – Responsable Technique | Stelliant Expertise

Nicolas SERRES – Expert Bâtiment | Stelliant Expertise

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